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Quelles actions gouvernementales pour l’écologie ?

Quelles actions gouvernementales pour l’écologie ?

Photo de Guillaume de Germain sur Unsplash

L’affaire des homards de François de Rugy a fait resurgir un vieux refrain qui ponctue la vie publique française depuis longtemps: on ne fait rien pour l’écologie en France depuis cinquante ans. Vrai ou faux ? 

Myriam Maestroni : 

Sans rien enlever à l’affaire des homards, dénoncée par Mediapart, il faut quand même bien se dire que face à l’urgence climatique qui se manifeste de différentes façons et toujours avec des épisodes de plus en plus extrêmes (près de 2 mètres de grêle tombée en quelques heures au Mexique il y a quelques jours à peine, 32°C relevé en Alaska, etc, avec des victimes et des dégâts significatifs…), la vraie question est de savoir si, en France,et d’ailleurs partout dans le monde, les États et donc les élus ou les politiques prennent bien la mesure de leur rôle et de leur responsabilité. 

Dans le cas de l’écologie, qui nous intéresse ici en particulier, la même réflexion pourrait également être posée à bon nombre de médias qui trop souvent ne jouent plus un rôle d’information objectif concernant la nature du danger qui menace notre planète (ou plus exactement les conditions qui y rendent possible la vie humaine), ceci malgré des informations, des analyses et des études de plus en plus nombreuses et précises. On ne compte plus d’ailleurs les manifestations quasi hebdomadaires d’événements climatiques qui semblent rester dans la section des faits divers.

Ensuite, après ce propos préliminaire, notons quel’écologie d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celle d’il y a cinquante ans.Le « réchauffement climatique » que l’on a commencé à aborder vers le milieu des années 2000, mieux redéfini par la suite et alors requalifié de « changement climatique », s’est mué depuis en « urgence », voire en « choc climatique ».La progression dans la terminologie permet d’ailleurs de comprendre que le fonds du problème est aujourd’hui d’agir bien plus vite que ce que nous sommes déjà un peu préparés à le faire.

L’écologie est ainsi devenue une base de réflexion et d’action visant à identifier et à mettre en œuvre des solutions qui permettent de lutter contre la grave menace de l’effet de serre engendrée par les émissions de gaz (tel que le dioxyde de carbone ou C02, l’un des plus importants en cause), issues de la combustion des énergies fossiles, à savoir notamment du charbon, du pétrole et du gaz naturel.

Néanmoins, il est important de rappeler que l’écologie a longtemps été préemptée au profit d’une idéologie de gauche radicale qui prône la décroissance. Les prémisses de cette écologie politisée à gauche et à l’Ultra-gauche étaient visibles dans le mouvement altermondialiste post-soixante-huitard et le soutien des paysans du Larzac bientôt rejoints par des militants de tous bords allant des nationalistes occitans aux communistes/maoïstes/trotskystes et « hippies de tout poil » antimilitaristes adeptes de la « libération sexuelle ». Aujourd’hui, à défaut d’être totalement révolue, cette approche souvent contre-productive est en voie de ringardisation au profit d’une écologie devenue l’axe et le vecteur majeur de transformation de nos sociétés post-industrielles vers un nouveau paradigme éco énergétique mondial.

En clair, depuis la décennie 2000-2010 qui fabriquait une prise de conscience globale et brutale des dangers du changement climatique, l’écologie se transforme peu à peu – sans doute trop lentement et avec des résistances, bien sûr – en un mode de pensée transverse qui mobilise l’ensemble des forces politiques -et plus seulement celles de gauche. S’ajoutent en effet à celles-ci également des forces économiques (les entreprises des start-up aux idées naissantes jusqu’aux plus grandes entreprises) et sociétales (la société civile au sens large). A cette dynamique participe une communauté scientifique (dont bien sûr le fameux GIEC) qui, par des études, des rapports, des faits, et des données de plus en plus précises et assez édifiantes, alimente les bases de compréhension de ce phénomène du changement climatique et de ses conséquences. Ces éléments permettent, sans nul doute, de passer de l’idéologie à une compréhension pragmatique et universelle. Cela est d’autant plus vrai que la puissance des outils et des nouvelles technologies de l’information et de la communication aujourd’hui à notre disposition et qui n’existaient pas il y a cinquante ans, donnent à tout un chacun l’opportunité de se faire sa propre idée sur la question. 

A ce sujet, il me parait important de rappeler l’impact du film de David Guggenheim, qui mettait en scène Al Gore, Une vérité qui dérange, en 2006 (il y a donc moins de 15 ans). En vulgarisant les travaux des scientifiques du GIEC jusqu’alors réservés à une élite, ce film,oscarisé comme meilleur documentaire, dont Yann Arthus-Bertrand a dit « qu’en deux heures il avait fait plus pour l’environnement que lui en dix ans », et ayant valu un Prix Nobel à Al Gore et au GIEC, permettait à qui le souhaitait de comprendre enfin le problème et ses enjeux…. Malgré cela, il était encore alors difficile d’imaginer que la gravité de la situation empirerait autant et que les choses s’accéléreraient à une telle vitesse. Nous savons aujourd’hui qu’au rythme actuel de nos émissions,nous avons moins de 20 ans devant nous pour atteindre le point d’inflexion à partir duquel on commencerait à réduire nos émissions et donc à « guérir » notre environnement. Aujourd’hui, le scénario malheureusement le plus probable, tant notre lenteur à agir percute la vitesse croissante du phénomène est que l’on risque d’aller au-delà d’une augmentation des températures moyennes de plus de 2°C. Or cette limite a été identifiée comme absolument critique, ce qui signifie qu’il va devenir difficile au-delà -pour ne pas dire impossible -de préserver des conditions de vie nécessaires et acceptables pour les êtres humains.

Rappelons d’ailleurs qu’à l’échelle de l’Univers, vieux de 14 milliards d’années, ou de notre Terre, vieille de 4,5 milliards d’années, la vie humaine – apparue il y a à peine 200.000 ans environ – fait figure d’un précieux miracle à préserver coûte que coûte.C’est sans doute la mission première de l’écologie.

Les nombreuses informations connues aujourd’hui (et dont je n’ai cité que quelques exemples [1]), disponibles partout et pour tous, constituent des leviers d’analyse et donc de compréhension et d’actions précieux.Elles permettent aussi de faire la part des choses lorsque l’on parle d’écologie. Décidément l’écologie et ce qu’elle représente ou devrait représenter n’a plus grand chose à voir aujourd’hui avec la situation des années 1970, sachant que, toutes choses n’étant pas égales par ailleurs, cette période n’a plus non plus grand-chose à voir avec notre monde actuel (à simple titre d’illustration,la population a doublé en 50 ans !).

Le contexte fondamental étant établi, la question de l’inaction des politiques en France et dans le monde (puisqu’on vient de voir qu’il ne suffit plus de poser la question au sein de notre petit Hexagone) reste posée. 

A nouveau, on ne peut que s’inscrire en faux face à un abus de jugement qui ne me semble plus du tout correspondre à la réalité de la situation. Non, on ne peut pas affirmer avec un minimum d’honnêteté intellectuelle qu’on ne fait rien pour l’écologie… Il est certainement vrai qu’on ne fait pas assez, pas assez bien, et pas assez vite, comme je viens de l’évoquer… mais dire qu’« on ne fait rien » c’est déjà accepter et entériner l’échec d’un combat pourtant majeur pour nos sociétés, pour notre civilisation et notre humanité.

Le danger de ce genre de propos un peu à l’emporte-pièce est également de voir resurgir d’un côté les vieilles lunes du climato-scepticisme, ou de l’autre, l’avènement des « catastrophistes », « effondristes » et autre « collapsologues ». Dans un cas comme dans l’autre, le risque d’inertie reste trop élevé. Or, à ces tentations extrêmes on peut sans doute proposer une vision pascalienne qui se traduirait simplement par le fait que nous avons tout à perdre à ne rien faire (sauf pour quelques-uns encore trop ancrés dans une vision partielle et court-termiste) et sans doute bien plus à gagner à agir. Cet arbitrage est d’ailleurs de mieux en mieux compris par des entreprises de plus en plus nombreuses à s’engager dans la voie du développement durable et de la responsabilité sociétale, largement boostée par des clients qui se transforment aussi en “consomm’acteurs” et “éco-citoyens”, ou par une évolution des mentalités. Certes, ces avancées ne se font pas au même rythme et avec des mêmes convictions partagées par tous.

En tout cas,tout compte aujourd’hui. Les États doivent légiférer, ce qui est, bien sûr, une condition nécessaire mais pas suffisante. Il faut par ailleurs mobiliser et faire évoluer les comportements, engager les entreprises, la société civile, imaginer des solutions viables, les financer, développer de nouvelles compétences, former de nouveaux talents, décliner les actions en fonction des situations locales très différentes. En bref, la somme des actions à mener, simultanément et en les adaptant, dans un délai de temps contraint, constitue en fait la véritable difficulté et la contrainte.

Par voie de conséquence et en corollaire, l’action consistant à communiquer sur un ensemble cohérent de mesures en analysant les progrès afin de les partager avec tous puis la volonté de favoriser une sagesse et un nouveau « civisme écologique »constituent un défi encore plus immense.

Cette affirmation est-elle vraie ? N’a-t-on pas connu des avancées majeures depuis cinquante ans en France en matière d’écologie ? Si l’on devait citer quatre ou cinq mesures qui ont marqué la politique écologique depuis 50 ans…

Corinne Lepage : Bien entendu dire qu’on ne fait rien pour l’écologie depuis cinquante ans est complètement faux. La France a bien évidemment connu, au cours de ces cinquantes dernières années, des avancées très importantes en matière d’écologie.

On peut commencer par citer les grandes lois des années 1970, c’est-à-dire, par exemple, la loi sur les déchets de 1975 qui régit, comme son nom l’indique, l’élimination des déchets notamment industriels. Tous les types de déchets sont néanmoins concernés et c’est à leur producteur que revient le rôle de veiller à leur élimination finale. Par là-même, tout les rejets dans l’eau, les dépôts sauvages et le brûlage de déchets sans autorisation pré-requise est interdit. Suit ensuite la loi sur les études d’impacts de 1976. Loi relative à la protection de la nature et qui a pour la première fois, en France, rendu obligatoire un certain nombre de procédures préalables à l’autorisation ou non de la réalisation de travaux. Puis vient la loi sur les installations classées, toujours en 1976, qui a posé les bases juridiques de l’environnement industriel. Dès lors, l’ensemble des risques accidentels potentiels, des déchets, des rejets dans l’eau/air/sols sont constatés et réglementés.  

Ainsi on se rend d’ores et déjà compte que les lois environnementales sont nombreuses et ce, pas uniquement récemment, mais dès les années 1970. Dans les années 1980 de nouvelles lois environnementales viennent succéder aux premières, notamment la loi Bouchardeau de 1983, loi relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l’environnement, laquelle a d’après Legifrance, “pour objet d’assurer l’information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l’élaboration“.

Parmi les loi principales en matière d’écologie et d’environnement on se doit aussi de citer la loi sur l’eau de 1992 par laquelle l’eau est reconnue comme étant un “patrimoine commun de la Nation“. On pense également à la loi sur l’air de 1995 dont je suis l’auteure et vise à surveiller davantage la qualité de l’air et à renforcer le droit à l’information du public. 

Par la suite, suivent la Charte de l’environnement de 2004 que l’on doit à Jacques Chirac dont le rôle a été de définir et de reconnaître les droits et devoirs fondamentaux en matière de protection de l’environnement et la loi sur la croissance verte de Ségolène Royale en 2015 dite également loi sur la transition écologique. 

On ne peut pas toutes les citer et l’on s’est ici contenté de citer les plus significatives, mais il apparaît clairement que prétendre que rien n’a été fait est absolument faux. D’autant plus qu’il faut ajouter à ces textes français les transcriptions de directives communautaires dans énormément de domaines. Maintenant dire que l’on en fait assez est évidemment tout aussi faux. 

Myriam Maestroni : Je ne passerai pas trop de temps à remonter le fil de l’histoire de l’écologie sur 50 ans, sauf peut-être pour évoquer un exemple de succès destiné à nourrir nos espoirs et notre nécessaire engagement. Cet exemple est celui de la lutte contre le trou de la couche d’ozone en Antarctique qui a diminué de 20% depuis 2005 suite à la décision d’arrêt de la production des CFC (chlorofluorocarbures) en 1994.

Aujourd’hui notre priorité avérée, et ce depuis la fin des années 1990,est celle du développement durable et, depuis plus récemment, la nécessaire transition énergétique qui est devenue la pierre angulaire de l’action écologique.

En 1992, à l’occasion du sommet de la Terre de Rio de Janeiro, les Nations Unies se sont dotées d’un cadre d’action de lutte contre le réchauffement climatique, à savoir la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) qui rassemble presque tous les pays du monde. Qualifiés de « Parties », les Etats se réunissent une fois par an lors des « COP » (Conferences of the Parties). La première s’est tenue à Berlin en 1995. Ces conférences réunissent également des acteurs non étatiques tels que les ONG, les collectivités territoriales, les scientifiques et,depuis quelques temps, les entreprises. C’est lors de la troisième  « COP » en 1997 que fut signé le Protocole de Kyoto par lequel 37 pays développés se sont engagés à réduire leurs émissions de 5% en moyenne sur la période 2008-2012 par rapport aux niveaux de 1990. Prolongé par l’amendement de Doha (COP18, 2012), l’expérience du Protocole de Kyoto démontrait combien il était difficile de trouver un accord global, mais elle a ambitionné malgré tout d’acter pour les « pays engagés »un objectif de réduction moyen de 18% sur la période 2013-2020.

Depuis lors, la COP21, qui s’est tenue à Paris, du 30 novembre au 11 décembre 2015 et qui a été un succès diplomatique particulièrement remarqué et salué par le monde entier, a permis de conclure un accord engageant cette fois-ci 195 États à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Les Accord de Paris issus de cette COP – ainsi nommés partout dans le monde – sont depuis entrés en vigueur le 4 novembre 2016. Les Français avaient d’ailleurs largement plébiscité l’événement qui avait par ailleurs aidé à comprendre les enjeux du changement climatique.

Néanmoins, réduire les émissions des gaz à effet de serre – dont celles du CO2- n’est que la partie visible de l’iceberg de la transition énergétique. En effet, cette dernière suppose de s’attaquer simultanément à bien d’autres enjeux extrêmement complexes.

Le premier de ces enjeux est celui d’abandonner les énergies fossiles en se débarrassant au plus vite des plus polluantes, c’est-à-dire, dans l’ordre : du charbon, du pétrole et de ses dérivés, dont la liste est longue (plastique, cosmétique, etc), et du gaz naturel fossile -en lui substituant le biogaz. Le dire est certes plus simple que le faire… Malgré tout, on observe de réelles avancées et il semblerait même que se profile à l’horizon 2022 la fin du charbon dans notre pays. Affaire à suivre… Pour le reste, l’avenir le dira.

Le deuxième est de promouvoir les énergies renouvelables encore largement sous-représentés dans notre pays.

Comme nous n’avons malheureusement pas trouvé l’énergie parfaite, il faut pousser les conditions de sécurité d’approvisionnement en énergies renouvelables avec des solutions de stockage de l’électricité pensées au cœur d’écosystèmes locaux, ou encore d’hydrogène vert, pour ne citer que deux exemples prépondérants à cette date. Il reste encore beaucoup à faire, pour de multiples raisons, dont la sur-représentativité du nucléaire -vieillissant- dans notre mix électrique. Le nucléaire est devenu aujourd’hui the « elephant in the room » (problème des déchets et de la vétusté des installations actuelles) dans notre pays. Une véritable bombe à retardement ou une hypothèque terrible pour les sociétés futures.

Le troisième enjeu est celui de l’efficacité énergétique, c’est-à-dire réduire les consommations en améliorant l’efficacité énergétique, notamment des logements, 2ème plus gros émetteur après les Transports dans notre pays. C’est un des chapitres dans lequel notre pays est le plus en avance. Depuis 2006 déjà, après les Grenelle de l’Environnement (loi POPE, Programme d’Orientation des Politiques Énergétiques), tous les Français ont pu découvrir la catégorie énergétique de leur logement grâce aux DPE (Diagnostic de Performance Énergétique). Ces DPE, devenus obligatoires pour les ventes et locations de logements, se sont mis à fleurir dans les vitrines des agences immobilières. Avant, qui savait que son logement pouvait se retrouver classé en G et donc consommer plus de 450kWh/m2/an à comparer à la consommation d’un logement construit neuf, et donc classé A, 9 fois moins élevée (inférieure à 50kWh/m2/an) ? Un véritable progrès écologique.

En parallèle, des mesures fondamentales de promotion et de financements innovants de la rénovation énergétique ont été également mises en place, notamment au travers des CEE (Certificats d’Économie d’Énergie) et du CITE (Crédit Impôt Transition Énergétique, anciennement CIDD, Crédit d’Impôt Développement Durable).

D’évidence, l’efficacité énergétique doit s’appliquer à toutes les consommations – tous secteurs confondus, transport inclus – même si nos voitures consomment de moins en moins (à grand coups de bonus/malus et d’étiquettes énergie) mais encore trop de carburants fossiles… 

Le quatrième enjeu est de promouvoir toutes les solutions régénératives, c’est-à-dire de nature à capter le CO2 ou à récupérer les particules qui polluent notre air vital ou contribuent à l’effet de serre. Nous disposons des premières expériences en la matière, mais nous restons encore très loin du compte… d’autant que le carbone d’en haut (C02) continue à couter 4 à 5 fois moins que le carbone « d’en bas » (le pétrole/fossiles)…, ce qui est un paradoxe et un gros handicap pour avancer au rythme souhaité.

Bien qu’il y ait eu des avancées, il reste des chantiers à mener. Que peut-on faire dans un futur proche, ou plus éloigné, pour agir en matière d’écologie ? Quelles sont les priorités et à quelle échéance ?  

Corinne Lepage : Bien sûr si effort il y a, celui fourni jusqu’à aujourd’hui n’est pas suffisant. 

Il y a deux points à mentionner. Le premier c’est que la dégradation a été bien plus rapide que l’effort législatif. 

Le second point, et il est très bien expliqué dans le rapport du Haut conseil pour le Climat sorti il y a huit jours, c’est que les politiques sont incohérentes. Je dirais que le symbole de cette incohérence c’est que l’on dépense 41 milliards d’euros pour le climat et 75 milliards d’euros contre. Ca c’est le signe même de l’incohérence puisque ce qui est fait est défait, ce qui équivaut donc en quelque sorte à de l’argent gaspillé. Par exemple, on dit que l’on doit faire des efforts pour la biodiversité et en même temps on lance le grand projet d’immobilier, dans le cadre du Grand Paris, qu’est EuropaCity. 

Donc si vous voulez vous avez des décisions concrètes incohérentes, notamment dans le domaine de la santé et de l’environnement, domaines dans lesquels nous sommes minables. Il n’y a qu’à voir l’avis extrêmement négatif du Commissariat général au développement durable sur le plan santé environnement, d’après lequel aucune des mesures prévues n’a été appliquée.

Qu’est-ce que cela veut dire concrètement ? Cela veut dire que l’on a des lois que l’on applique pas ou peu et que ces loi elles-mêmes sont insuffisantes par rapport à l’état de dégradation et que troisièmement les prévisions factuelles sont totalement incohérentes. 

D’après moi, il y a trois sujets qui marchent ensemble, climat, biodiversité et santé. Ces trois sujets sont indissociables et il faut donc agir de manière cohérente et concertée sur ces trois thématiques à la fois tout en s’interdisant de prendre une mesure qui irait combattre le dérèglement climatique tout en étant défavorable à la biodiversité ou à la santé humaine. Si l’on se contentait de ne faire que ça, se serait déjà révolutionnaire! Enfin, il n’y a pas une priorité, tout est absolument prioritaire, il n’y pas d’alternative! 

Myriam Maestroni : La difficulté réside dans tous les chantiers à mener autour des piliers évoqués ci-dessus. Cela est d’autant plus vrai que la perception d’urgence et de manque de mesures d’un côté vient percuter de plein fouet l’accumulation de décisions mal comprises ou mal préparées. L’exemple de la hausse des carburants en fin d’année dernière a été vécue à tort ou à raison comme une « injustice » pour les 50% de non-urbains qui dépendent en effet incontestablement de leur voiture pour se déplacer. Ces derniers n’avaient d’ailleurs qu’un accès limité à des véhicules électriques ou hydrogène, encore peu disponibles, trop chers. A cet écueil s’ajoute bien sûr le manque d’infrastructures ou de nouvelles habitudes à prendre, sachant que les informations à disposition des publics demeurent insuffisantes et que les limites technologiques (autonomie…) demeurent.

Au-delà du contexte, je pense qu’il est important de continuer à améliorer l’articulation entre l’action publique et privée et la publication d’informations fiables le plus exhaustives possibles sur les avancées. Il convient de bien veiller à donner une bonne visibilité pour favoriser les investissements puis d’accompagner chaque français tout en luttant plus efficacement contre les fraudes.

Il est également important de créer une vraie vision européenne qui intégrerait à la fois les enjeux en matière d’énergie (encore aujourd’hui trop souvent considérée comme une prérogative nationale donc donnant lieu à des décisions peu respectueuses des autres pays), d’efficacité énergétique – aujourd’hui encore loin d’un modèle européen intégré, de l’environnement (qui englobe notre rapport à l’eau, aux déchets etc) – et, bien sûr, d’économie. Cette vision est en effet largement porteuse de croissance et on oublie trop souvent cet aspect croissance de la transition énergétique qui peut être un vrai gisement d’emplois et non une voie de décroissance. Enfin, il ne faut jamais oublier les territoires, car les besoins ne sont pas les mêmes partout.

Bref, la route est longue, le temps presse, mais le jeu en vaut la chandelle !

[1] Exemples non exhaustifs car il faudrait aussi intégrer dans l’équation : la croissance démographique, l’émergence des économies telles que la Chine ou l’Inde, l’exode rural… etc.

Source : Atlantico